Dessinatrice sensuelle
Les corps de Marie Casaÿs
Crédit photo : @dariusbr2obecker 2020
Marie Casaÿs dessine les corps comme personne. En alliant sensualité et douceur, ses illustrations de nus et de portraits nous transportent dans un monde ouaté, aux dégradés de couleurs. Rencontre avec une artiste au sacré coup de crayon.
Le PAON : Bonjour Marie ! Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?
Marie Casaÿs : Hello le PAON ! Et bien, j’ai grandi à Rouen, j’ai fait un bac Arts Appliqués, puis j’ai poursuivi des études en design graphique, spécialité “print”. Après un BTS et un master, j’ai vécu à Copenhague où j’ai mené des projets de graphisme et d’illustration tout en découvrant la ville. Cette période a été un tremplin pour me lancer à mon compte. En 2015, je me suis installée à Paris et j’ai commencé à illustrer mes propres idées, à développer mon univers. Le dessin des corps et des portraits s’est développé petit à petit, au crayon à papier d’abord, puis aux crayons de couleur.
Pourquoi es-tu passée du crayon à papier à la couleur ?
Après avoir trouvé une écriture au crayon à papier, j’ai vite eu ce sentiment d’être limitée en étant “juste” en noir et blanc. J’ai commencé à me dire qu’avec les couleurs, je pourrais véhiculer des messages plus complexes et surtout ajouter plus de vie et de fun ! Avec ce nouveau medium, j’ai dû réapprendre ma technique car c’est assez différent du crayon à papier (en termes de graisse, de finesse du tracé…). Au début, je ne travaillais qu’avec deux couleurs : le bleu & le rouge. J’aimais bien cette dualité, et puis c’était déjà suffisant comme challenge pour commencer. Ensuite, j’ai progressivement intégré des variantes : du turquoise, du violet… pour finalement associer des couleurs spécifiques aux tons, aux ambiances et aux émotions des visages et corps que je représentais.
Tes dessins représentent souvent des corps humains, quels messages veux-tu véhiculer ?
Je me suis petit à petit spécialisée sur le travail du corps, et notamment la représentation des genres et des physionomies car ça a toujours été un sujet qui me fascine personnellement. Chaque corps, chaque courbe, chaque détail peut être rempli de charme, de sensualité, de tendresse, d’érotisme… J’essaye de toujours varier les morphologies pour être inclusive et permettre à chacun.e de s’identifier, quel que soit son corps. Mes dessins sont une manière de voir le monde, celui où n’importe quel corps peut être représenté, avec et sans érotisme.
Où tires-tu ton inspiration ?
Le plus souvent, de photos. Cela peut venir de livres que j’ai chez moi, de magazines, ou bien d’Instagram. Sur ce réseau, je suis abonnée à beaucoup de photographes et de modèles. J’essaie de diversifier au maximum mes sources. Je me fais parfois aider par un avocat pour toutes les questions de droits d’auteur, d’inspirations, être sûre de ce que je peux dessiner et vendre par la suite.
Tu représentes souvent des corps nus ou des scènes de sexe, ton compte Instagram est-il parfois censuré ? Comment y remédies-tu ?
Oui cela arrive et c’est très stressant ! Je me suis demandée quelques fois si je ne devais pas systématiquement cacher les tétons et les fesses de mes dessins avant de les publier par exemple… Je l’ai parfois fait en me disant que ça gâchait le dessin et parfois j’aurais sans doute dû le faire car il a été ensuite supprimé par insta/signalé par le public. Je fais aussi attention aux hashtags pour ne pas mettre de mots tabous (aux yeux d’insta et de certain.e.s utilisateurs.rices).
J’ai pour objectif de mettre en avant davantage mes dessins originaux et d’entrer en contact avec des galeries, des collectionneurs, afin de ne pas dépendre trop d’Instagram. Avec ce nouveau tremplin, je n’aurai normalement pas besoin de me censurer.
Quelles sont tes actualités pour 2023 ?
Le samedi 4 mars, je participe à un évènement féministe participatif (marché de créatrices, ateliers, showcase, groupe de parole…) organisé par Les nanas d’Paname à la Bellevilloise (Paris 20e). J’ai aussi des illustrations en vente à la boutique Bleu Simone (Paris 11e) qui ferme ses portes en clôturant avec une grande braderie le samedi 18 et dimanche 19 mars.
Côté expositions, au printemps je vais exposer ma série “inktober 2022” au bar-restaurant La Karambole (Paris 18e) ; en juin j’exposerai ensuite de nombreux dessins originaux au lieu culturel et artistique Dscwrk (Paris 10e) et pour la fin d’année, je suis en train de préparer une exposition à Bruxelles à la galerie That what X said.
Et très prochainement les lundis 6 et 13 mars, des ateliers au PAON !
Effectivement, tu animes prochainement un cycle de deux ateliers en ligne intitulé “ Dessiner un portrait monochrome au crayon de couleur”. Qu’est-ce qui te plait dans le fait d’animer des ateliers ?
Souvent sur Instagram, ma communauté me pose des questions sur mon travail et je me suis rendue compte que j’aimais partager des conseils, des explications et des techniques. J’apprécie que cela motive des gens à dessiner. J’ai eu l’idée de lancer des ateliers en testant d’abord avec des amis proches. J’ai eu de bons retours donc j’ai poursuivi avec des inconnus lorsque j’ai eu un lieu adapté pour recevoir et animer les cours ! J’aime aider les gens à trouver leur patte, leur style et surtout à se faire plaisir en dessinant.
As-tu des conseils pour toutes les personnes qui n’osent pas se lancer ?
Se donner comme objectif premier de prendre ce temps de dessin pour soi car ce moment peut vraiment nous faire du bien, jusqu’à soulager nos frustrations. Ça peut même être une bonne opportunité d’extérioriser nos humeurs.
Si on a un blocage et que nos dessins ne nous plaisent pas, on peut commencer par identifier la source de cette frustration. S’il s’agit du regard des autres, on les sort de l’équation, car ce n’est pas pour eux qu’on dessine, c’est pour nous. Peu importe leur avis tant qu’on décide qu’ils n’ont pas leur mot à dire. Si la frustration provient de notre propre regard, comme de ne pas aimer notre dessin, il faut peut-être revoir nos objectifs et notre exigence. Si on débute ou qu’on ne maîtrise pas totalement comme on le voudrait, c’est mieux de se donner des challenges plus atteignables, plus faciles à réaliser dans un premier temps pour apprécier l’apprentissage et avoir envie d’avancer sur notre technique car c’est vraiment petit à petit qu’elle va se développer. Je vous conseille aussi de garder vos dessins, même ceux que vous n’aimez pas, et de les dater, pour voir l’évolution au fur et à mesure. C’est assez vertigineux de se replonger dans ses anciens dessins et de réaliser l’évolution de notre regard sur notre travail !
Retrouvez Marie pour deux cours de dessin en ligne : Dessiner un portrait monochrome au crayon de couleur.